131 -Ténorraphie per cutanée par Tenolig : technique chirurgicale et protocole de suivi post-opératoire - Percutaneous tenoraphy using Tenolig : surgical technic and post operative manadgment

P Determe, O Laffenetre, P Diebold et le Groupe TALUS (Toulouse)


Introduction
Une controverse existe toujours dans le traitement des ruptures du tendon calcanéen opposant les partisans du traitement chirurgical à ceux du traitement orthopédique. Les effets délétères de l’immobilisation de l’articulation talo-crurale pendant la cicatrisation tendineuse sont connus : atrophie musculaire, raideur articulaire, adhérence cicatricielle…Depuis la publication voici 30 ans de la première technique de réparation percutanée de la rupture du tendon calcanéen, par MA et GRIFFITH, puis en 1992 de celle de DELPONTE utilisant le Tenolig qu’il avait développé, et malgré des résultats plus que probant largement répétés, la contestation persiste sur le bien fondé de la technique percutanée. Les résultats décevants avancés sont pour nous le résultat du non-respect d’un protocole post-opératoire sérieux et systématique.

Technique opératoire
Elle est réalisée sous anesthésie générale, loco-régionale, voire locale pure, le patient étant installé en décubitus ventral sans garrot pneumatique, les deux pieds dépassant légèrement de la table, le pied à opérer légèrement surélevé par une gélose. On utilise un kit complet soit deux fils sertis chacun sur leur aiguille. Un repérage manuel permettant le marquage cutané des repères essentiels est le préalable indispensable au geste chirurgical : zone fracturaire, extrémités du tendon, points d’introduction proximaux, environ 6 à 7 cm au-dessus de la rupture en pleine zone tendineuse et distants de 15 mm environ. Après une moucheture cutanée et une discision du plan sous-cutané à la pince de Halsted jusqu’à l’aponévrose (particulièrement importante latéralement en raison de la présence du nerf sural), une première aiguille est introduite de proximal en distal. Elle aura été au préalable fortement cintrée pour faciliter sa progression ; le méplat à sa base permet de la diriger plus aisément. En plein corps tendineux proximal, elle franchit le vide fracturaire sous contrôle digital, puis cathétérise le fragment distal, pied en flexion plantaire, pour être dirigée vers son point de sortie distal, idéalement dans la fossette para tendineuse juste au-dessus de la tubérosité calcanéenne. Il faut ensuite positionner l’ancre sur l’aponévrose grâce à la pince Halsted, en exerçant conjointement une traction sur l’aiguille. On procède à l’identique pour l’autre fil serti. Il ne reste plus qu’à bloquer le montage, en position d’équin modéré, et en contrôlant au doigt l’affrontement des extrémités tendineuses ainsi rapprochées dans leur gaine. Après avoir enfilé dans chaque aiguille, face convexe contre la peau, la pastille blanche puis les deux plombs, ces derniers sont bloqués pour assurer le maintien de l’ensemble. On vérifie la récupération d’une manœuvre de Thompson efficace en palpant la masse musculaire du mollet, ce qui provoque une légère flexion plantaire du pied. Les deux extrémités proximales des fils sont nouées ensemble, et un pansement sec est réalisé en protégeant bien par des compresses la zone distale (pastilles et plombs). Aucune immobilisation n’est nécessaire ; on peut toutefois prescrire d’emblée une orthèse de marche à semelle arrondie et acceptant l’équin du pied. Les suites opératoires sont simplifiées au maximum, le patient pouvant quitter la structure le jour même voire après une seule nuit d’hospitalisation.

Prise en charge post opératoire
Le succès de la méthode repose en grande partie sur le suivi d’un protocole post-opératoire rigoureux, lui-même établi d’après la physiologie de la cicatrisation tendineuse.
On identifie 4 phases :
• Phase 1 : hospitalisation
Si les conditions le permettent une première séance de kinésithérapie sera effectuée : il s’agit plus d’une prise de contact entre kinésithérapeute et patient, destiné surtout à lui expliquer quelles vont être les suites, comment va s’organiser le suivi, quels en seront les temps essentiels. Un protocole de rééducation explicitant ces différentes étapes est remis. Une mobilisation douce de la cheville peut être réalisée en tenant compte du type d’anesthésie, afin de ne pas mettre en tension excessive le montage chez un patient dont l’anesthésie loco-régionale serait encore particulièrement efficace.

• Phase 2 : les trois premières semaines
Durant cette période, l’immobilisation est facultative par botte amovible, mais de toute façon, tout appui est formellement proscrit et une prophylaxie anti-thrombotique par héparine de bas poids moléculaire mise en route. Le démarrage d’une rééducation douce est immédiat, visant durant ce laps de temps à la récupération d’une position neutre de la cheville : les mouvements actifs aidés puis seuls sont autorisés dans les amplitudes limitées par la douleur ; les séances sont effectuées à domicile au rythme moyen de trois fois par semaine

• Phase 3: de quatre à six semaines
Il est recommandé au chirurgien de faire le point à trois semaine, car il s’agit d’une période charnière : l’appui va être autorisé, l’héparine arrêtée. Quand le patient n’a pas bénéficié d’une attelle amovible dès le départ, il vient en consultation avec cette dernière pour qu’on la lui mette en place. La semelle arrondie permet le déroulé du pas en plein appui sans la sollicitation du triceps ce qui protège le montage. En parallèle, une intensification de la rééducation est autorisée : les amplitudes sont élargies ; si l’appui talonnier est autorisé, la mise sur la pointe du pied est formellement proscrite.
Un bilan podologique est réalisé vers le 30e jour, débouchant sur la réalisation d’une paire d’orthèses plantaires, qui seront remises au patient avant la date programmée d’ablation de son matériel. Il s’agit d’orthèses thermoformées soutenant parfaitement le cavus et surélevant le talon d’environ 20 mm.

• Phase 4 : après six semaines
Le matériel est retiré sous anesthésie locale vers le 45e j La rééducation se poursuit, avec le démarrage du renforcement musculaire et de la proprioception, en décharge puis en charge ; les orthèses sont régulièrement amincies de 5 mm tous les 10 à 15 jours ; à l’issue du 90e jour, un nouveau bilan podologique décide de l’indication du port d’orthèses plantaires durant la pratique sportive, selon la présence d’un éventuel trouble statique résiduel.

Conclusion
Cette technique particulièrement simple, reste facilement transmissible aux plus jeunes. L’intérêt essentiel du protocole post-opératoire proposé est son approche multi disciplinaire chirurgicale, kinésithérapique et podologique, particulièrement intéressante pour la population sportive, plus exigeante. L’expérience du groupe TALUS confirmera la morbidité quasi nulle de la tenorraphie par Tenolig, l’absence de rupture à distance. Dans une étude multicentrique prospective réalisée sur 35 sportifs, 80% des compétiteurs, 72% des sportifs loisirs avaient pu reprendre leur activité à partir du 4e mois. L’évaluation isocinétique retrouvait 90% de récupération en flexion plantaire à vitesse lente et 81% pour les vitesses rapides. La satisfaction des patients (97%) était augmentée par rapport à une chirurgie classique d’une part en raison de la diminution du temps d’immobilisation, d’autre part en raison de la rapidité de la reprise sportive.

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