72 – Les matériaux ostéo-conducteurs dans les plasties du genou - Osteoconductive materials in ACL reconstruction

H Robert, Denis Clément (Mayenne)


La qualité de l’ancrage d’une plastie du ligament croisé antérieur ou postérieur est fonction du type de greffe (tendon rotulien, ischio-jambiers, tendon quadricipital, allogreffe) et du type de fixation anatomique (vis, Rigidfix®, Transfix®…) ou non anatomique (Endobutton®, agrafes….).
Pour Hulstyn (1) la meilleure résistance à l’arrachement est assurée par une interface baguette osseuse-tunnel osseux, bloquée par une vis d’interférence, comme dans les plasties de type Kenneth -Jones.
Dans la fixation os-tendons ischio-jambiers, le problème de la fixation mécanique primaire reste à résoudre. Celle-ci doit être suffisamment résistante et rigide en attendant la fixation biologique dans les tunnels. La fixation intra tunnelaire nécessite au moins 12 semaines [Pinczewski(2), Weiler(3)] mais est vraisemblablement plus tardive [Ishibashi(4), Robert(5)], elle est accélérée par une fixation anatomique par vis [Weiler(3)].
Brand (6) a montré la bonne résistance à l’arrachement d’un certain nombre de fixations, dont les vis d’interférence, y compris avec des autogreffes de tendons de la patte d’oie, mais ce test d’arrachement ne reproduit pas les conditions habituelles d’une plastie en post-opératoire. Les tests sous charges cycliques reproduisent une rééducation agressive ou certains gestes de la vie courante et ils sont défavorables aux vis. Il se produit un glissement de la greffe préjudiciable à la stabilité [Giurea(7)] sauf dans le système TLS [Collette (8)]. Certains paramètres peuvent avoir une influence sur la stabilité du montage : la longueur et le diamètre de la vis [Harvey(9), Weiler(10)], la qualité osseuse [Brand(6)].
La plastie se fixe secondairement aux parois du tunnel par l’intermédiaire de fibres de Sharpey (« fixation indirecte ») et au pourtour de l’entrée articulaire du tunnel (« fixation directe ») [Benjamin(11), Weiler(10)].
L’interface tendon-os est d’abord fibro-vasculaire puis collagènique, de l’os néoformé est visible au bout de quelques semaines, parfois une zone fibro-chondrale est visible comme dans les fixations directes.
L’intégration tendineuse est très variable selon l’environnement (type de fixation, tension sur la greffe, remplissage du tunnel…), les zones et probablement les individus. L’absence d’intégration par fixation défaillante peut être une des causes d’échec des plasties [Ishibashi(4), Song(12)].
Les vis métalliques ont été largement utilisées à partir des années 90 [Kurosaka (13)], elles ont été progressivement remplacées par des vis en polymère d’acide glycolique (PGA) puis actuellement en polymère d’acide lactique (PLLA). Les vis métalliques avaient 2 inconvénients : difficultés d’ablation en cas de reprise et gène à la lecture des IRM en raison des artéfacts. Les vis en PGA ont une résorption rapide conduisant à des phénomènes locaux de synovite [Edwards(14), Barford(15)] et à une absence de repousse osseuse [Böstman(16)] ; ce matériau est aujourd’hui abandonné dans la composition des vis d’interférence. La résorption du PLLA conduit à une fragmentation du matériel puis à la libération de gaz carbonique et d’eau. Le relargage de particules acides peut entraîner une réaction d’ostéolyse locale plus ou moins sévère notamment si les capacités macrophagiques locales sont débordées. [Weiler (10)]. Ces réactions avec le PLLA sont beaucoup moins sévères et précoces qu’avec le PGA. [Bostman(16), Weiler (10)].
L’intérêt théorique d’un matériel résorbable est d’être progressivement substitué par de l’os, mais à notre connaissance aucune observation de vis d’interférence en PLLA rapporte un remplacement osseux complet. De nombreux auteurs retrouvent du PLLA encore présent jusqu’à 4 ans dans les reconstructions du LCA avec ces vis [Martinek(17), Radford(18), Morgan(19)], ainsi l’intérêt théorique du PLLA pour les reprises doit être comparé au surcoût.

Le PLLA subit une hydrolyse avec relargage d’acide lactique in situ d’ou l’acidification du milieu, ce qui entraine une réaction inflammatoire à l’origine d’ostéolyse et de retard d’intégration [Bergsma(20)]. L’implant en PLLA pur est le siège d’une réaction d’encapsulation précoce.
De nombreux travaux expérimentaux ont démontré les possibilités d’accélérer l’ancrage tendineux grâce à certains facteurs de croissance (BMP-2, TGF-ß1, FGF, PDGF…) inclus dans une matrice ou à la thérapie génique in vivo ou ex vivo. Actuellement, aucun résultat issu d’essai clinique sur ces techniques n’est disponible [Deehan(21)].
A partir de 2000, sont apparues sur le marché des vis composites associant le PLLA et une céramique (ß-TCP, Hydroxyapatite, Carbonate de calcium) pour accélérer leur résorption. Ces vis doivent malgré tout conserver leur qualités mécaniques jusqu’à la fixation de la greffe.
Il est logique de penser que plus un implant composite se résorbera rapidement sans induire de réaction inflammatoire (à condition que le pH reste neutre), plus rapide sera la repousse osseuse in situ.
Les premières céramiques (hydroxyapatite) dont les propriétés ont bien été étudiées, ont servi de base au développement de substitut de synthèse. Aujourd’hui elles sont utilisés avec efficacité dans le comblement de cavités osseuses [Bucholz(22), Gouin(23)].
Les céramiques ne sont qu’ostéoconductrices, elles servent de tuteur à la recolonisation osseuse. Cette dernière est souvent longue et incomplète [Daculsi(24)] et dépend de la porosité du matériau, de la cristallinité et du contact os-matériau.
L’ostéointégration commence par une phase de dissolution avec relargage d’ions calcium et phosphate puis par la colonisation cellulaire et enfin le remodelage.
Plus le matériau est poreux et plus il est rapidement ostéointégré [Chouteau(25)], c’est à dire plus sa fixation biologique secondaire est rapide et de qualité, mais moins sa résistance mécanique et donc sa fixation primaire est bonne [Daculsi(24), Le Huec(26)].
Les vis composites doivent avoir une résistante mécanique suffisante (fixation primaire) mais également une bonne capacité d’ostéointégration (fixation secondaire), toute la difficulté étant de trouver un bon compromis entre les différents composants.
Lorsque la charge en HA est augmentée, de 0% à 50%, seule la résistance en torsion diminue à partir de 40%, ce qui constitue une valeur seuil [Shikinami(27)].
Lorsque la charge en TCP augmente de 0% à 60%, la densité d’ostéoblastes augmente en proportion, et l’activité collagènique par cellule augmente également. Les vis composites PLLA-βTCP ont une vitesse de résorption plus rapide que celles en PLA pur ; la libération d’ions calcium et phosphate maintient un PH neutre favorable à l’ostéogenèse [Aunoble(28)].
L’application clinique dans les plasties du LCA avec des vis 40% de PLA et 60% de βTCP a confirmé cette intégration osseuse de la vis et l’absence de détente anormale de la plastie dans les premiers mois [Robert(29)].

L’option logique compte tenu de toutes ces informations est de disposer de 2 types de vis : une vis peu chargée en céramique pour les greffes avec baguette osseuse et une vis fortement chargée pour les plasties avec les tendons seuls.

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