022. Jusqu’où le chirurgien peut faire confiance au robot pour la prothèse de genou

Hernigou Ph (Créteil)

Les variables conditionnant la pose d’une prothèse de genou sont sans doute autour de 50, voire plus.  Les coupes osseuses avec une possibilité de réglage de +1,0,-1mm sur le fémur, le tibia , la rotule (9 variables) l’alignement du genou face ,profil, plan transversal (3 variables) la position des implants (fémur et tibia) dans les trois plans (6 autres), la taille des implants pas forcément corrélée sur le fémur, le tibia, et la rotule (15 autres), l’épaisseur du polyéthylène (3 autres) et les gestes ligamentaires (5 autres)  constituent les 41 variables les plus évidentes, mais ne sont pas les seules. Si l’on ajoute d’autres variables moins factuelles (le coté du patient, le chirurgien droitier ou gaucher, l’heure de l’intervention, les maladies du patient arthrose, polyarthrite, ostéoporose amenant à mettre des quilles, le ciment, le sans ciment, le garrot pneumatique) on arrive facilement à plus de 52 variables. Ce nombre de variables nous est familier car c’est le nombre de cartes dans un jeu habituel. Ce dont le chirurgien ne se rend pas compte, c’est que le nombre de combinaisons possibles (1067) de battre les cartes (et donc de mettre une prothèse de genou) est plus grand le nombre d’atomes sur la terre ! Plusieurs générations d’orthopédistes ont été habitués à gérer cette difficulté combinatoire avec leur intelligence intuitive naturelle (qui permet à chaque instant de ne sélectionner qu’un nombre limité de variables).  Mais ils ne sont pas les seuls : il en est de même pour un musicien qui joue du piano (52 touches blanches, 36 touches noires, 10 doigts ; > 10100 combinaisons), le navigateur solitaire, le pilote de planeur (sans ordinateur) et ainsi de suite.

Pensant que l’intelligence artificielle et la robotique peuvent résoudre les problèmes un certain nombre de chirurgiens et de fabricants d’implants se sont tournés vers l’intelligence artificielle et la robotique. Mais cette intelligence artificielle (qui à l’inverse de l’intelligence humaine analyse en permanence toutes les variables) est-elle supérieure à l’intelligence naturelle du chirurgien ? Tout d’abord en termes de calcul, l’intelligence artificielle est-elle capable réellement de traiter 52 variables qui représentent en termes de nombres 10^67 combinaisons ? Les records de calcul effectués par les meilleurs des ordinateurs n’arrivent seulement qu’à environ 100 mille milliards de combinaisons (1014). Actuellement, par exemple pour calculer les décimales du nombre pi il faut plus de 100 jours pour arriver à ce nombre de chiffres après la virgule (1014) avec une puissance d’ordinateur de 500 Téraoctets. Il est évident que la puissance d’un ordinateur de bloc dans un robot est très largement inférieure et que le temps du patient dans bloc opératoire ne fait pas 100 jours.  On peut donc s’attendre à ce que le robot (comme le chirurgien) ne soit pas parfait ; mais est-il vraiment meilleur que le chirurgien ?

Pour répondre à cette question, les événements indésirables transmis lors de interventions par robotique entre 2017 et 2022 ont été analysés : La base de données de la Food and Drug Administration (FDA) a été interrogée sur les rappels liés aux logiciels dans le domaine de l’arthroplastie assistée par ordinateur afin d’évaluer : 1) l’incidence ; 2) les causes ; 3) les actions prises suite aux rappels.

Pour la robotique 18 « numéros de rappel » ont pu être identifiés, correspondant à seulement 2% de tous les rappels de logiciels concernant le bloc opératoire (table d’opération, fluoroscopie, anesthésie…). 4634 unités (de logiciels) étaient concernées pour la robotique. La FDA a déterminé les causes : la conception du logiciel (66,6 %), la modification de la conception (22,2 %), la fabrication (6 %), la conception du processus de fabrication (5,6 %). Une erreur spécifique a été déclarée dans 88,9%. Dans 43,8% une erreur de code concernant l’évaluation de l’alignement des membres inférieurs a été identifiée. 94,4% des rappels liés à des logiciels ont été classés en classe 2, un seul cas en classe 3 (5,6 %). Le retour du dispositif était la principale mesure prise par les entreprises (44,4 %), suivie de la mise à jour du logiciel (38,9 %).

Dans la même période, aucun robot ne s’est plaint de son chirurgien ! 15% des chirurgiens ont cessé d’utiliser un robot. Mais 25% de plus sont entrés dans le monde de la robotique.

En conclusion les rappels liés au logiciel dans le domaine de l’arthroplastie du genou assistée par robot étaient rares parmi tous les rappels, mais non négligeables si on compare leur nombre a celui des prothèses de genou par ordinateur.  Ils sont considérés comme ne mettant pas la vie en danger (pas de plaie vasculaire notée) et sont généralement dus à des erreurs de conception du logiciel. Les principales mesures prises par les fabricants étaient le retour de l’appareil ou la mise à jour du logiciel.

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