70. Ostéosynthèse des fractures de l’humérus proximales : plaque versus clou ? - Osteosynthesis of the upper part of the humerus: ORIF or locked nail

J.-F. Kempf, N. Robial, P. Clavert, P.Louis (Strabourg)


L’ostéosynthèse d’une fracture de l’extrémité supérieure de l’humérus est indiquée en présence d’une fracture à 3 ou 4 fragments déplacés de l’extrémité supérieure de l’humérus, sans critère trop péjoratif concernant le risque de nécrose de la tête humérale (critères de Hertel), chez un patient de moins de 65-70 ans.

Après avoir utilisé comme bien d’autres de très nombreux systèmes de fixation finalement peu adaptés aux traitements de ces fractures, (enclouage fasciculé, brochage, ostéosuture, etc.), le cheminement de nos idées s’est fait en 3 étapes :

 la première étape remontant au début des années 2000 a été d’utiliser des plaques à vis verrouillée (la plaque philos) dont l’intérêt semblait être de procurer une meilleure stabilité à la fracture et donc d’autoriser une rééducation plus précoce de l’épaule traumatisée. Nous avons revu 44 patients et les résultats nous ont déçus dans la mesure où le score de Constant moyen (absolu) n’était que de 62,3 points mais avec une différence significative entre les patients de moins de 65 ans où le CS dépassé 70 points et les patients de plus de 65 ans ou le CS n’était que de 54,7 points.
Nous avons surtout observé un grand nombre d’ostéonécrose : 16,4%, un déplacement secondaire dans 8% des cas, une pseudarthrose dans 5,5 % des cas et une réduction finalement anatomique (dont on sait l’importance pour un bon résultat fonctionnel) que dans un cas sur deux !

 dans une deuxième étape, nous nous sommes donc attachés à développer une plaque verrouillée respectant les principes du coquetier de Hertel c’est-à-dire de reconstruire essentiellement les tubérosités qui maintiendront à sa place la calotte céphalique. Ceci impliquait donc l’usage de vis beaucoup plus courtes. Nous avons fait une première évaluation de ces cas et les résultats ont été beaucoup plus satisfaisants dans la mesure où nous n’avons observé aucun déplacement secondaire et aucun arrachement de vis. Le taux d’ostéonécrose était par contre similaire à l’expérience précédente : 14%.

 la troisième étape, menée parallèlement au développement de cette plaque verrouillée Aequalis © a été de poursuivre notre réflexion sur les clous dont on sait que sur le plan biomécanique, ils offrent une résistance encore meilleure. Nous étions peu satisfaits par l’utilisation des clous disponibles sur le marché, et attachés à deux points fondamentaux : l’usage d’un clou droit et non pas béquillé et un système de vissage proximal des tubérosités efficaces, faisant appel à 3 ou 4 vis dont l’une est de direction postéro-antérieure pour contrôler au mieux le tubercule majeur et une autre de direction inverse, antéro-postérieure pour contrôle le tubercule mineur. Une étude biomécanique menée à Strasbourg a permis de confirmer une meilleure résistance mécanique aux contraintes en compression et en flexion avec ce système de verrouillage qui a été développé pour le clou Aequalis ©.

La résistance moyenne en traction sur le tubercule majeur pour les modèles osseux standards est de 245 Newtons et de 120 Newtons sur les os porotiques, sans différence significative par rapport aux montages par plaque. En revanche, on observe une rigidité supérieure en faveur du clou pour les modèles porotiques (p=0.043). Le mode de rupture des montages ostéoporotiques consiste en une compression puis rupture de la charnière médiale. L’importance de sa conservation est ainsi particulièrement à considérer lors d’une ostéosynthèse in vivo.

Au recul moyen de 13.2 mois de la révision de nos 12 premiers patients, le score de Constant-Murley global atteint 70.8% et 78.1% pour les fractures récentes. La comparaison avec la plaque à vis verrouillées montre une supériorité pour le clou dans les rotations interne (p=0.004) et externe (p=0.018), le score DASH (p=0.002) et le score de Constant Murley (p=0.005). Les complications rencontrées dans notre série sont une algodystrophie et une ostéonécrose. La consolidation est obtenue dans tous les cas.

Conclusion

Les fractures déplacées de l’extrémité proximale de l’humérus survenant en particulier sur un os porotique constituent un véritable défi pour le chirurgien pour obtenir une reconstruction anatomique de l’humérus avec une stabilité suffisante pour autoriser une mobilisation précoce et une consolidation. Ce nouveau clou est en accord avec ces principes. Nos premiers résultats comparés à d’autres travaux sur plaque à vis verrouillées sont encourageants et doivent être confirmés à l’avenir par une étude multicentrique.
Depuis deux ans, notre préférence va donc à ce type de clou qui offre l’avantage d’une chirurgie mini-invasive et d’une meilleure performance biomécanique, en sachant que la pose de celui-ci est probablement encore un peu plus difficile que la pose d’une plaque à vis verrouillée.

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